Les auteurs Jakuta Alikavasovic (Lauréate du prix de la page 111) et Martin Page ont écrit à 4 mains Nous avons des armes et nous ne savons pas nous en servir, dans le cadre des résidences itinérantes mises en place par Escales des lettres dans le Nord-Pas-de-Calais. Ca vient de paraître aux éditions Nuit Myrtide.
Jakuta Alikavazovic a obtenu le Prix Goncourt du Premier Roman en 2008 pour Corps volatils
(L’Olivier). Elle publie
des romans et des nouvelles marqués par la symbolique des nombreuses
descriptions architecturales et picturales qu’elle dépeint, alliant les arts à
son imaginaire singulier.
Extrait :
Chère Jakuta,
Nous avons fait beaucoup de trajets en voiture. Des heures et des heures, comme des musiciens de jazz dans les années 50. Sur la route. Un mini-bus aurait été idéal, mais la Cadillac de Schéhérazade (notre conductrice, guide, hôte) était confortable et tellement classe. On ne passait pas inaperçu dans ce monstre rouge de sept mètres de long. Les banquettes en cuir rose étaient larges, on mettait la musique à fond (Pascal Comelade, Daniel Johnston, Silver Jews, Ella Fitzgerald et Vinicius de Moraes) et on buvait du Dr Pepper. Il y avait des tas de revues de charme et d’armes à feu sur la plage arrière. Tu te rappelles on se lisait les descriptions de revolver, les articles sur le nouveau Sig-Sauer et les récits d’adeptes de stages de survie. Tu es la seule écrivaine avec qui j’ai partagé une arme. C’était dans une cave et notre cible avait tout pour nous donner envie de tirer juste.
Martin,
Je cache des armes partout, aux endroits stratégiques. Ce sont le plus souvent des armes imaginaires. La Kalachnikov a changé le monde. Il paraît que sur terre, il y en a une pour soixante-dix personnes. C’est l’une des armes les plus faciles à manier qui soit, elle est intuitive (pour ne pas dire bête). Notons qu’en terme de sonorités, il y a autant de [k] dans «sarcastique» que dans «Kalachnikov». A part ça j’aime bien ce road-movie que tu nous inventes. Ou alors, je ne sais pas, je devais dormir. Dans tous les cas ça me dédouane de ne pas avoir le permis de conduire. On se moque de moi mais j’y vois une marque de courtoisie et même de confiance : j’aime avoir besoin des autres. Ou alors je me raconte une histoire et mon absence de permis n’est que la conjonction de trois termes : Paris + précarité financière + problèmes psychomoteurs.
Je cache des armes partout, aux endroits stratégiques. Ce sont le plus souvent des armes imaginaires. La Kalachnikov a changé le monde. Il paraît que sur terre, il y en a une pour soixante-dix personnes. C’est l’une des armes les plus faciles à manier qui soit, elle est intuitive (pour ne pas dire bête). Notons qu’en terme de sonorités, il y a autant de [k] dans «sarcastique» que dans «Kalachnikov». A part ça j’aime bien ce road-movie que tu nous inventes. Ou alors, je ne sais pas, je devais dormir. Dans tous les cas ça me dédouane de ne pas avoir le permis de conduire. On se moque de moi mais j’y vois une marque de courtoisie et même de confiance : j’aime avoir besoin des autres. Ou alors je me raconte une histoire et mon absence de permis n’est que la conjonction de trois termes : Paris + précarité financière + problèmes psychomoteurs.
J.
Collection Itinérances
46 pages
18x14
Dépôt légal : 26 mars 2012
isbn 2-913198-98-X
ean 9782913192980
10 €
3 commentaires:
Bueno !
J'ai hâte de la tenir en main :-)
De le tenir en main
(et de dormir un peu, tiens...)
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